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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

retranchant de la liste des pronoms, on le plaça dans le chapitre des adjectifs.

Il faut opérer à l’égard de l’article un changement du même genre.

L’article a été longtemps défini : « Un petit mot qui se place devant les substantifs dont il sert à déterminer le genre et le nombre. »

Cette définition prêtait beaucoup à la critique.

Dire que l’article est un « petit mot », ce n’est pas le distinguer, le séparer, c’est au contraire le confondre avec une foule d’autres termes qui sont aussi de petits mots, et dont on n’a jamais eu, à cause de cela, l’idée de faire une partie du discours. D’ailleurs, rendons-leur cette justice, les grammairiens n’eurent pas le courage de se montrer fidèles à leur principe, et de classer, ce qui eût été logique, tous les mots de notre langue d’après leur longueur.

En examinant attentivement la seconde partie de la définition, on ne la trouve pas plus juste que la première. L’article ne sert pas à déterminer le genre et le nombre des mots qu’il accompagne. Le singulier le, la, pourrait à la rigueur faire illusion, mais il en est tout autrement du pluriel. Comment croire que lorsqu’on dit les hommes, les femmes, ce mot les, qui ne change pas, sert pourtant à indiquer le genre ? Et si l’on accepte un instant une pareille définition de l’article, comment l’appliquer à l’anglais the, qui ne prend aucun signe de nombre ni de genre ?

L’article a donc nécessairement une autre fonction que de faire connaître le genre des noms qu’il accompagne : ce qu’il détermine, c’est l’étendue de leur signification ; par conséquent, il est, comme ce, un véritable adjectif déterminatif. C’est chose reconnue depuis longtemps ; mais, à l’exception de M. Lucien Leclair[1],

  1. Grammaire de la langue française ramenée aux principes les plus simples. — Paris, Belin, 1860, in-12, p. 3 et 15.