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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

langue, on doit convenir qu’elle est fort digne d’être étudiée et qu’elle a été, en un certain sens, le point de départ d’un progrès considérable dans l’enseignement du français.

Mais, tout en tenant un juste compte de sa légitime influence, on ne saurait dissimuler que l’abus de la méthode qu’elle a introduite a eu des conséquences déplorables.

Le xviiie siècle, qui avait des philosophes à placer dans toutes les branches des sciences et de la littérature, ne manqua point de grammairiens philosophes. L’amour-propre de ceux à qui étaient échues ces humbles fonctions était flatté d’un titre qui donnait un certain éclat à leurs travaux, et leur paresse se trouvait fort bien d’une méthode qui leur permettait de dicter tranquillement des lois au nom des principes, et d’accuser nos plus grands écrivains de n’avoir pas su le français, sans prendre la peine d’étudier leurs chefs-d’œuvre.

Les élucubrations de ces nouveaux législateurs de notre idiome commencent en général par le compte-rendu des diverses assemblées tenues par quelques-uns de ces sauvages de grand sens que le siècle dernier affectionnait tant.

Ne sachant pas encore dire un mot, une intelligente peuplade n’en sent que plus vivement le besoin de se réunir pour fixer les conventions relatives au langage ; et, après avoir délibéré, sans le moindre embarras, à l’aide d’un petit nombre de gestes expressifs, elle crée, avec la logique la plus irréprochable, chaque espèce de mots précisément dans l’ordre de son utilité relative.

Comme il est facile de le prévoir, les lois de cette langue primitive s’adaptaient merveilleusement à la nôtre.

Ce fut sur de tels principes que s’appuyèrent nos grammairiens pour tracer leurs règles absolues et proclamer leurs décisions infaillibles.