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REMARQVES SVR L’ORTHOGRAPHE FRANÇOISE

datent de la même époque. Comme alors, ainsi que l’Académie l’a remarqué dans la première Observation du manuscrit qui nous occupe, plusieurs mots se pouvaient écrire de deux différentes manières, les grammairiens de profession s’efforcèrent de n’en laisser perdre aucune, et crurent avoir fait une merveilleuse besogne en distinguant par les formes orthographiques les acceptions diverses d’un même mot. C’est de la sorte qu’appât et appas devinrent deux termes entièrement différents, ayant chacun, dans nos Dictionnaires, son article fort distinct, tandis qu’amorce, qui présente exactement les mêmes accidents de signification, mais qui n’a jamais eu qu’une forme orthographique, est demeuré un seul et unique mot. C’est encore en vertu d’une décision analogue que nous sommes aujourd’hui contraints par le Dictionnaire de l’Académie à dire, en parlant de toute l’ordonnance d’un tableau : « Le dessin de ce tableau est sagement conçu, mais il est mal exécuté » ; et en parlant du projet, du plan d’un ouvrage : « Le dessein d’un poème, d’une tragédie, d’un tableau. »

Les Cahiers que nous publions aujourd’hui, nous offrent une distinction chimérique de ce genre, qui, par bonheur, n’a pas prévalu, et nous semble d’autant plus bizarre que nos yeux ne s’y sont pas accoutumés. Quelques raffinés voulaient qu’on écrivit phantaisie, imagination, et fantaisie, caprice[1], et à coup sûr cette double forme orthographique n’aurait rien de plus étrange que celles que l’usage a consacrées.

Nous trouvons aussi dans ces cahiers une délibération assez animée au sujet d’une innovation proposée et pratiquée par Corneille. Dans l’Avertissement placé en tête de l’édition de son Théâtre de 1663, qui renferme de fort curieuses remarques sur les réformes à introduire

  1. Voyez p. 7.