Page:Marty-Laveaux - Études de langue française, 1901.djvu/307

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
299
REMARQVES SVR L’ORTHOGRAPHE FRANÇOISE

ques latins terminez en mentum et les adverbes semblent uenir : fortement de forti mente. Cela est commun mais instructif et ne doit non plus estre omis que beaucoup d’autres choses qu’on a remarquées.

Au reste, je ne uoudrois pas faire de remarques contre l’orthographe impertinente de Ramus, mais on peut faire uoir par cet excez léquité de la regle que la Compaignie propose comme je le dis à la fin.


À la fin du manuscrit, Bossuet revient effectivement sur ce sujet, et surtout sur les Observations générales :


Le principal est de se fonder en bons principes des l’article 1 et 2 et de bien faire connoistre l’intention de la compaignie. Qu’elle ne peut souffrir une fausse regle qu’on a uoulu introduire, d’écrire comme on prononce, parce qu’en uoulant instruire les étrangers et leur faciliter la prononciation de nostre langue, on la fait meconnoistre aux François mesmes. Si on ecrivoit tans, chan, cham, emais ou émés, connaissais, anterreman, faisaict, qui reconnoistroit ces mots ? On ne lit point lettre à lettre, mais la figure entière du mot fait son impression tout ensemble sur l’œil et sur lesprit, de sorte que quand cette figure est considerablement changée tout à coup, les mots ont perdu les traits qui les rendent reconnoissables à la ueüe et les yeux ne sont point contents. Il y a aussi une autre ortographe qui s’attache scrupuleusement a toutes les lettres tirées des langues dont la nostre a pris ses mots, et qui ueut écrire nuict, ecripiure, etc. Celle la blesse les yeux d’une autre sorte en leur remettant en ueüe des lettres dont ils sont desaccousiumez et que l’oreille n’a amais connus (sic). Cest la ce qui s’appelle l’ancienne orthographe uicieuse. La compaignie paroistra conduite par un iugement bien reglé quand apres auoir marqué ces deux extremitez si manitestement uitieuses, elle dira qu’elle ueut tenir un iuste milieu. Qu’elle se propose :

1o De suiure l’usage constant de ceux qui sçauent ecrire ;

2o Qu’elle ueut tascher de rendre, autant qu’il se pourra, l’usage uniforme ;

3o De la rendre durable ;

Quelle a dessein pour cela de retenir les lettres qui marquent l’origine de nos mots sur tout celles qui se uoyent dans les mots latins, si ce n’est que l’usage constant s’y oppose ; que comme la langue latine ne change plus, cela servira il fixer nostre orthographe ; que ces lettres ne sont pas superflües parce qu’outre qu’elles marquent l’origine, ce qui sert mesme à mieux apprendre la langue latine, elles ont diuers autres usages comme de marquer les longues et les breues, les lettres fermées et ouuertes, la difference de certains mots que la prononciation ne distingue pas, etc. Que la compaignie pretend retenir non seulement les lettres qui marquent l’origine, mais encore les autres que l’usage a conseruées par ce