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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

Il est impossible de le juger plus mal.

Il faut bien en convenir : lorsque Philaminte réprimande si vertement la pauvre Martine de son impardonnable faute, quand elle lui reproche d’avoir insulté son oreille

Par l’impropriété d’un mot sauvage et bas,
Qu’en termes décisifs condamne Vaugelas,

quand elle l’accuse d’offenser

La Grammaire qui sçait régenter jusqu’aux Rois,
Et les fait la main haute obeïr à ses lois[1],

elle s’écarte de la doctrine du maître, ou du moins, ainsi qu’il arrive toujours aux disciples plus ardents qu’éclairés, elle l’outrepasse et l’exagère.

En réalité Vaugelas n’impose presque jamais de règles absolues et se conforme très fidèlement à ce titre de Remarques qu’il a introduit et qui a été adopté par presque tous les auteurs d’une longue série d’ouvrages, composés à l’imitation du sien, et merveilleusement appropriés à la recherche et à l’examen des moindres particularités de notre langue.

Il a grand soin du reste de le déclarer expressément dès les premières lignes de sa Préface :

« Tant s’en faut que j’entreprenne de me constituer Iuge des différens de la langue, que ie ne pretens passer que pour vn simple tesmoin, qui depose ce qu’il a veu et ouï, ou pour vn homme qui auroit fait vn Recueil d’Arrests qu’il donneroit au public. C’est pourquoy ce petit Ouurage a pris le nom de Remarques, et ne s’est pas chargé du frontispice fastueux de Decisions, ou de Loix, ou de quelque autre semblable. Car encore que ce soient en effet des Loix d’un souuerain, qui est

  1. Les Femmes sçavantes, acte II, scène vi.