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MOLIÈRE ET LES GRAMMAIRIENS

mode des mots et celle des vêtements, mais nous l’avons déjà rencontré avant l’impression des Remarques. Nous lisons dans un Discours nouveau sur la mode (Paris, Pierre Ramier, 1613, in-8o) :


Il faut, quiconque veut estre mignon de court,
Gouverner son langage à la mode qui court…
Bref il faut observer, qui veut paroistre en France,
Au parler, aussi bien qu’aux habits, l’inconstance.


Après Vaugelas et Molière, cette comparaison passe à l’état de lieu commun et se rencontre très souvent ; Caillères dit dans ses Mots à la mode, en parlant de l’emploi que les habiles font des mots nouveaux :


Ils ne s’en servent qu’après qu’ils ont été universellement approuvés, et qu’ils suivent en cela la même règle que celle qu’il faut observer touchant les modes des habits, qui est de n’être jamais des premiers à prendre les nouvelles, ni des derniers à quitter les anciennes.


Enfin Fénelon, recommandant, dans la Lettre à l’Académie, la composition d’une grammaire, remarque qu’elle


diminuerait peut-être les changements capricieux par lesquels la mode règne sur les termes comme sur les habits.

Nous n’avons plus à faire qu’un seul rapprochement entre la Préface des Remarques et les comédies de Molière, mais c’est le plus frappant de tous, et il corrobore ce que les autres pourraient avoir encore d’incertain. Le savant grammairien fait l’éloge des termes techniques employés à propos, et dit :


Les termes de l’art sont toujours fort bons et fort bien reçus dans l’étenduë de leur juridiction, où les autres ne vaudroient rien, et le plus habile notaire de Paris se rendroit ridicule, et perdroit toute sa pratique, s’il se mettoit dans l’esprit de changer son stile et ses phrases, pour prendre celles de nos meilleurs auteurs.


C’est ainsi précisément que le notaire des Femmes savantes répond à ses clientes :