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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

la musique. Chacun disait son mot : les gens de Cour, les érudits, les auteurs, les femmes surtout ; ainsi s’établissait l’usage, ainsi se réglait la langue, avec instinct, avec goût, mais non sans arbitraire, ni caprice.

Les Remarques sur la langue françoise, vtiles à ceux qui veulent bien parler et bien escrire, par Vaugelas, publiées seulement « le huitiesme iour d’Octobre 1647[1] » mais commencées fort longtemps auparavant, devinrent le manuel et le code de ces réunions. Doué d’un jugement sûr et d’un tact exquis, Vaugelas n’employait pas exclusivement ces précieuses qualités à l’examen des questions grammaticales : il savait voir juste en d’autres matières, et appréciait très finement le caractère de notre nation ainsi que les défauts et les qualités du public auquel il adressait son livre. À ceux qui lui reprochaient de n’y avoir pas introduit l’ordre suivi d’ordinaire dans les traités grammaticaux, il répondait d’une façon fort judicieuse :

« Pour en parler sainement, il ne seruiroit qu’à ceux qui sçauent la langue Latine, et par conséquent toutes les parties de la Grammaire ; car pour les autres qui n’ayant point estudié ne sçauront ce que c’est que de toutes les parties de l’Oraison, tant s’en faut que cet ordre leur agreast ny leur donnast aucun auantage, qu’il pourroit les effaroucher, et leur faire croire qu’ils n’y comprendront rien, quoy qu’en effet elles (ces remarques) soient, ce me semble, conceuës d’vne sorte, que les femmes et tous ceux qui n’ont nulle teinture de la langue Latine, en peuuent tirer du profit[2]. »

On est assez porté, sur la foi de l’admiration que Vaugelas inspire aux femmes sçavantes de Molière, à considérer ce grammairien comme un étroit puriste, très absolu dans ses décisions.

  1. À Paris, chez Augustin Courbé, in-4o.
  2. Préface, § XII.