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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

dire chutes, inflexions ; et l’on nommait déclinaison le tableau des différents cas.

Eh bien ! qui croirait que nos premiers grammairiens, traduisant à l’aide de prépositions la déclinaison latine, ont fait une déclinaison française de ce qui était la négation de toute déclinaison et qu’ils ont identifié les deux langues précisément sur ce point, où elles diffèrent le plus, et où leur génie est complètement opposé ?

Bélise est donc plus fondée qu’on ne le croit généralement à s’écrier avec admiration, lorsqu’elle a entendu les deux derniers vers de l’épigramme de Trissotin Sur un carosse de couleur Amarante, donné à une Dame de ses Amies :

Ne dy plus qu’il est Amarante,
Dy plûtost qu’il est de ma Rente.

« Voilà qui se décline, ma Rente, de ma Rente, à ma Rente[1]. »

Cela se déclinait en effet alors, et s’est décliné ainsi jusqu’à la fin du xviiie siècle.

Restaut dont la grammaire, publiée en 1730, a obtenu un succès fort grand et à beaucoup d’égards légitime, a persisté jusqu’en ses dernières éditions à donner un modèle de la déclinaison des noms français ; et nos grammaires sont encore aujourd’hui encombrées de paradigmes et de règles, qui n’ont pas plus de raison d’y être, et qui s’y maintiennent par pure routine après avoir été imprudemment copiées, au xvie siècle, dans les grammaires latines.

Par bonheur, dès le commencement du xviie siècle, tandis que de tels ouvrages se trouvaient entre les mains des enfants et des étrangers, les questions littéraires et grammaticales commençaient à être soulevées dans les salons, dans les ruelles, où elles passionnaient autant les dames que la toilette en tout temps et aujourd’hui

  1. Les Femmes sçavantes, acte III, sc. ii.