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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Jadis, certain Mogol vit en songe un vizir
Aux champs élysiens possesseur d’un plaisir
Aussi pur qu’infini, tant en prix qu’en durée :
Le même songeur vit en une autre contrée
Un ermite entouré de feux[1].

Le fabricateur souverain
Nous créa besaciers tous de même manière[2].

Stratagème inouï qui des fabricateurs
Paya la constance et la peine[3].

..... On croiroit, au nombre des ouvrages
Et des compositeurs (car chacun fait des vers),


Qu’il nous faudroit chercher un mont dans l’univers,
Non pas double, mais triple et de plus d’étendue
Que l’Atlas : cependant ma cour est morfondue[4].

« Une musique de luths et de voix se fit entendre à l’un des coins du plafond, sans qu’on vit ni chantres ni instruments ; musique aussi douce et aussi charmante que si Orphée et Amphion en eussent été les conducteurs[5]. »

Tapisser signifie seulement, suivant les Dictionnaires, garnir, orner de tapisserie ; La Fontaine le dit pour faire de la tapisserie :

… Elle n’avoit au monde sa pareille
À manier un canevas,
Filoit mieux que Cloton, brodoit mieux que Pallas,
Tapissoit mieux qu’Arachne[6].

Parfois La Fontaine, remontant à la source étymologique, rend au mot des acceptions qui ne sont point consacrées par l’usage. Le chat dit au rat dans une de ses fables :

  1. Liv. XI, fab. iv, 1.
  2. Liv. I, fab. vii, 31.
  3. Liv. II, fab. i, 30.
  4. Clymène, 506.
  5. Psyché, liv. I, tome I, p. 365.
  6. Liv. III, c. IV, 129.