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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

païs-là on tend les draps par toute la chambre de peur que ce bestion ne tombe[1]. »

M. Lorin ne s’est pas plus expliqué sur ce mot que sur poulaille ; il remarque seulement que bestion signifie petite bête, et qu’on dit maintenant bestiole. On croirait, d’après cela, que ce dernier mot est tout nouveau ; il n’en est rien : il se trouve aussi dans les œuvres de La Fontaine[2].

On lit le vers suivant dans une fable dont l’authenticité est contestée par d’excellents critiques :

Quelques rates, dit-on, répandirent des larmes[3].

Ce passage a donné lieu aux observations les plus contradictoires.

« Il y a certains traits, dit M. Solvet, celui-ci entre autres, où l’on ne saurait méconnaître le cachet de son auteur. »

Charles Nodier est d’un avis tout opposé : « Le vers n’est point mauvais ; mais la fable n’est pas de La Fontaine, qui n’a employé ce mot dans aucune autre occasion, et il n’en faut pas d’autre preuve[4]. »

On voit que les considérations purement littéraires ne serviront guère à éclaircir la question.

Du reste, les commentateurs attribuent pour la plupart à La Fontaine, non seulement la fable, mais le mot.

C’est, suivant M. Géruzez, un barbarisme comique ; suivant MM. Walckenaer et Dézobry, un terme imaginé par notre poète. Tel paraît être aussi l’avis de M. Lorin : « Le français rat, dit-il, n’a point de féminin ; toutefois le mot rate me paraît ici très heureux. Ce

  1. Liv. II, 23e série, p. 328 ; édit. de Rouen, Loudet, 1635, in-8o.
  2. Liv. IV, c. I, 15.
  3. Liv. XII, fab. xxv, 30.
  4. Examen crit. des Dict., au mot Ratte.