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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

médicale fait voir que c’est précisément sur les maladies les plus terribles et les moins connues qu’on a surtout écrit. C’est à peine si la fluxion de poitrine dont on sait les causes et la marche, et que, la plupart du temps, on soigne avec succès, a fourni le sujet de quelques brochures ; la peste, le choléra, la rage ont enfanté des milliers de volumes.

Cette longue file de grammaires françaises annoncerait-elle que notre ignorance à l’égard de notre langue est incurable ?

Croyons encore qu’il n’en est rien.


Le plus grand mal vient du point de départ qu’on a cru devoir adopter.

Au xvie siècle ce fut à qui composerait une grammaire française ; mais ces nombreux traités, en apparence si divers, et rédigés par des auteurs d’un mérite fort inégal, ont au fond le même défaut originaire qui persiste encore aujourd’hui dans les ouvrages de ce genre ; ils sont tous calqués sur la grammaire latine.

Comment aurait-il pu en être autrement ?

Quelqu’un s’était-il donné la peine de pénétrer le génie de cette langue jusqu’alors dédaignée, d’en éclaircir les origines, d’en examiner l’histoire ?

À cette époque, de telles études étaient à peine tentées, et encore d’une manière tout à fait générale et superficielle, à l’égard des langues classiques elles-mêmes ; mais personne n’aurait eu un instant l’idée de s’intéresser de la sorte à la nôtre, et d’ailleurs, l’eût-on fait, que les vagues considérations auxquelles on se fût livré n’auraient jamais pu servir de base à des études élémentaires et pratiques.

Tout ce qu’on savait c’est que la langue française est fille du latin ; et l’on trouvait fort simple d’appliquer les mêmes préceptes à l’une et à l’autre.