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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

nissent aussi un grand nombre d’expressions figurées.

Le mot appât s’applique à la pâture qu’on emploie pour attirer les animaux et en particulier les oiseaux ou les poissons. « Son plus grand plaisir était de présenter un appast à ces animaux, et après les avoir pris de les rendre à leur élément[1]. »

… quand à quelques-uns l’appast serait fatal,
Mourir des mains d’Annette est un sort que j’envie[2].

Le mot appât est pris parfois dans un sens figuré, singulièrement rapproché du sens propre :

Amusez les rois par des songes,
Flattez-les, payez-les d’agréables mensonges,
Quelque indignation dont leur cœur soit rempli,
Ils goberont l’appast, vous serez leur ami[3].

Dans les vers suivants, qui peut-être ne sont point de La Fontaine, la métaphore, moins matérielle pour ainsi dire, est toutefois encore fort sensible :

Examine-le bien, ce plaisir prétendu
Dont l’appast tâche à te séduire[4].

Boileau donne un conseil analogue en ces termes :

Craignez d’un vain plaisir les trompeuses amorces[5].

Enfin, dans le poème sur la Captivité de saint Malc, on trouve les passages suivants :

Funeste appas de l’or, moteur de nos desseins,
Que ne peux-tu sur nous, si tu plais même aux saints ?
… Fuyez, fuyez mon fils, le monde et ses amorces ;
Il est plein de dangers qui surpassent vos forces.
Fuyez l’or, mais fuyez encor d’autres appas,
On ne sort qu’en fuyant vainqueur de tels combats.

  1. Psyché, liv. I, tome I, p. 376.
  2. Liv. X, fab. xi, 22.
  3. Liv. VIII, fab. xix, 52.
  4. Od., VII, 90.
  5. Art poét., I, 27.