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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

ni de noblesse ni d’énergie. Les critiques les plus scrupuleux ne pourraient blâmer La Fontaine d’avoir, dans son Discours à l’Académie, représenté Louis XIV réduisant l’hérésie aux derniers abois.

Cette image sied bien aussi dans le style familier ; nous comprenons donc parfaitement que notre poète ait dit :

Il sembloit à me voir que je fusse aux abois[1].

Mais nous ne saurions admettre

… réduire un esprit aux abois[2].

Cette tournure, que nous ne trouvons du reste que dans une pièce à laquelle Champmeslé a travaillé, nous semble appartenir à cette phraséologie des précieuses dont La Fontaine ne dédaignait pas toujours de se servir.

Est-il question de chiens en défaut, notre poète dit :

Voilà maint basset clabaudant[3].

C’est précisément le terme propre en parlant des chiens qui aboient sans être sur les voies de la bête. Il ne manque pas non plus d’appeler clefs de meute[4] les chiens les mieux dressés, destinés à conduire les autres. Il se sert du mot coupler, qui signifie attacher deux chiens avec un lien appelé couple, pour les conduire à la chasse :

… je vois qu’ils se soucient
D’avoir chevaux à leur char attelés,
De même taille, et mêmes chiens couplés[5].

En parlant d’une chienne de chasse, il emploie ordi-

  1. Épit. XXII, 19.
  2. Je vous prends sans vert, sc. xiii, 4.
  3. Liv. XII, fab. xxiii, 44.
  4. Liv. XII, fab. xxiii, 35.
  5. Liv. II, c. VIII, 8.