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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

davantage dans le passage de La Fontaine. Le fabuliste veut seulement dire que le chat dont il parle égalait Rodilard en courage. Si d’ailleurs il pouvait rester un doute à ce sujet, il serait levé sur-le-champ par les expressions qui complètent sa pensée : l’Alexandre des chats, l’Attila, le fléau des rats.

Il entre nécessairement dans le plan de La Fontaine de profiter de tous les termes qui contribuent à amener une assimilation aussi complète que possible entre l’homme et les animaux. Dans une de ses fables la mouche dit à Jupiter :

Je hante les palais, je m’assieds à ta table[1].

Une fois ce langage adopté, il est tout simple que le cerf dise au lion : « Votre digne moitié[2] » ; mais on est un peu choqué lorsque le poète, parlant en son propre nom, appelle la lionne dans la Captivité de S. Malc[3] :

La cruelle moitié du monstre de Libye.

La gravité du sujet ne permet pas de penser qu’il y ait ici une intention plaisante ; il faut donc supposer que dans ce passage, comme dans quelques autres de ses œuvres diverses, notre poète s’est laissé entraîner par des habitudes de style qu’il avait contractées en composant ses fables, et qui ne se trouvent pas aussi heureusement appropriées à d’autres sujets.

III

Les récits relatifs à la chasse et à la pêche occupent nécessairement une grande place dans les œuvres d’un

  1. Liv. IV, fab. iii, 7.
  2. Liv. VIII, fab. xiv, 41.
  3. 479.