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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Ne tombez jamais sous ma patte[1].
mais c’est là une locution familière qui ne tire pas à conséquence pour l’usage habituel.

Ailleurs, notre fabuliste nous peint le hibou qui

ne trouve que les pieds
De ses chers nourrissons…[2].

puis le pigeon qui a quitté son compagnon pour voyager :
Traînant l’aile et tirant le pied[3].

Il ne faut point trop s’étonner de voir ce mot appliqué même à des oiseaux : le naturaliste est encore ici d’accord avec le poète. Buffon dit, en parlant du faisan : « Chaque pied est muni d’un éperon court et pointu[4] », et de la pie du Sénégal : « Le bec, les pieds et les ongles sont noirs, comme dans la pie ordinaire[5]. »

Aucune de ces infractions à l’usage habituel n’a été signalée par les commentateurs ; mais à propos de ce vers de la fable intitulée le Milan et le Rossignol :

Un rossignol tomba dans ses mains par malheur[6].

Chamfort s’exprime ainsi : « C’est une métaphore, pour dire en son pouvoir ; autrement il faudrait, dans ses griffes ; » sur quoi Solvet fait observer que c’est ici un résultat de cette identification des animaux et de l’homme, si fréquente chez La Fontaine ; il ajoute qu’à prendre les choses à la rigueur, ce serait le mot serres, et non le mot griffes, qu’il faudrait substituer à main.

Cet argument de Solvet n’a pas désarmé Charles

  1. Liv. III, fab. ix, 17.
  2. Liv. V, fab. xviii, 32.
  3. Liv. IX, fab. ii, 58.
  4. Tome XIX, p. 237.
  5. Tome XIX. p. 500.
  6. Liv. IX, fab. xviii, 4.