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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Le beau corps ! le beau cuir.....[1].
M. Lorin fait la remarque suivante : « Cuir ne se dit guère que de la peau des animaux. Quand on s’en sert dans le style familier, en parlant de la peau de l’homme, c’est presque toujours par dérision. »

Dans ce passage de d’Aubigné[2] ;

Le fin cuir transparent, qui trahit sous la peau
Mainte veine en serpent, maint arthere nouveau.

il serait bien difficile de trouver quelque apparence de dérision.

Ce terme était d’usage habituel dans le langage médical. Ambroise Paré dit : « La graisse d’oye… est propre pour lénir et adoucir l’aspérité du cuir[3]. »

Il s’est même conservé dans certaines locutions de ce genre, telles que : entre cuir et chair, cuir chevelu, etc.

Ce n’est qu’assez tard que toutes les nuances, introduites par la délicatesse moderne, ont décidément prévalu. D’Aubigné, que nous venons de citer, employait pis dans le sens général de poitrine :

Sur ton pis blanchissant ta race se débat[4].

Le même poète se servait aussi du mot poil pour désigner la chevelure :

Et ce fâcheux apprest pour qui le poil vous dresse,
C’est ce qu’à pas contez, traîne à soi la vieillesse[5].

Cette dernière expression s’est conservée si longtemps en poésie, que Racine a dit dans Iphigénie[6] :

  1. Liv. IV, c. VIII, 40.
  2. Tragiques, 1616, in-4o, liv. III, p. 104.
  3. XIX, niii, p. 350, 9e éd. ; Lyon, 1732, in-fol.
  4. Tragiques, liv. I, p. 4.
  5. Ibid., liv. IV, p. 155.
  6. Act. V, sc. vi, 24.