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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

gnait tous les oiseaux qui n’étaient pas privés sous le nom d’oiseaux ramages.

L’auteur inconnu du Ménagier de Paris commence ainsi un long morceau dans lequel, prêchant aux femmes une soumission bien plus absolue que celle exigée depuis par Arnolphe, il raconte l’histoire de tous les chiens célèbres, pour leur apprendre ce qu’elles doivent à leurs maris : « Pour monstrer ce que j’ay dit que vous devez estre très privée et très amoureuse de vostre mary, je mets un exemple rural, que mesmes les oiseaulx ramages et les bestes privées et sauvaiges, voir les bestes ravissables, ont le sens et industrie de ceste pratique, car les oiseaulx femelles suivent et se tiennent prouchaines de leurs masles et non d’autres, et les suivent et volent après eulx et non après autres[1]. »

Ces rapprochements expliquent comment on a appelé le chant des oiseaux ramage, à cause des rameaux sur lesquels ils chantent. Le sens du mot prouve la justesse de cette étymologie, défendue par Ménage, Furetière et Charles Nodier. En effet ramage s’applique exclusivement au chant du bois, comme l’observe le Duchat[2], et ne se dit, suivant la remarque de l’Académie, que des petits oiseaux.

Aussi, quoique La Fontaine nous ait représenté, dans sa seconde fable,

Maître corbeau, sur un arbre perché.
il ne serait pas excusable d’employer à l’égard d’un semblable animal le mot ramage, s’il ne faisait parler le renard, qui cherche à assimiler les cris de celui qu’il veut flatter aux chants harmonieux du rossignol.

Cette nuance a échappé à bien des écrivains que les

  1. Dist. I, art. V, tome I, p. 91.
  2. Dict. étym. de Ménage.