Page:Marty-Laveaux - Études de langue française, 1901.djvu/224

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
216
ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

« C’est, suivant Olivier de Serres, oster le mort et rompu ». C’est pour cela que La Fontaine, rappelant les justes plaintes de l’arbre contre l’homme, s’écrie :

Que ne l’émondoit-on, sans prendre la cognée ?[1]

Le philosophe scythe ne fait point ces utiles distinctions. De retour chez lui,

Il tronque son verger contre toute raison,
Sans observer temps ni saison,
Lunes ni vieilles ni nouvelles.

Cette expression : tronquer son verger, fort conforme à l’étymologie, n’est cependant pas autorisée par l’Académie, qui n’admet tronquer au propre qu’en parlant des statues.

Non-seulement La Fontaine emploie le mot enter dans son sens primitif, comme dans ce passage :

Le troisième tomba d’un arbre
Que lui-même il voulut enter[2].

mais dans une de ses lettres à sa femme, il décrit ainsi l’abord de Bellac :

Ce sont morceaux de rochers
Entés les uns sur les autres,
Et qui font dire aux cochers
De terribles patenôtres[3].

Et dans Psyché il dit encore, avec plus de hardiesse : « Ce visage d’Éthiopienne enté sur un corps de Grecque, sembloit quelque chose de fort étrange[4]. »

Notre auteur a fort à propos conservé le mot ramée, si pittoresque et si poétique :

  1. Liv. X. fab. ii, 77.
  2. Liv. XI, tab. viii, 33.
  3. 19 septembre 1663. Tome II, p. 667, édit. de M. Walckenaer, Paris, Lefèvre, 1835, 2 vol. in-8o.
  4. Liv. II, tome II, p. 171.