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ESSAI SUR LA LANGUE DE LA FONTAINE

Un instrument à deux fourchons serait très peu propre à cet usage, et il est évident qu’il s’agit ici d’une bêche ou d’une pelle de fer comme en ont encore aujourd’hui les cantonniers et les soldats du génie.

Pour tout concilier, l’Encyclopédie et la plupart des lexicographes postérieurs ont défini le louchet : sorte de hoyau ou de bêche ; mais leur description, comme celle de Furetière, se rapporte toujours à ce dernier instrument.

Quelle que soit d’ailleurs l’opinion des Dictionnaires, La Fontaine entendait désigner ici la bêche, car il indique l’outil dont il parle comme le seul que possédât son héros, qui était ce que nous appelons à Paris un maraîcher, et à qui, par conséquent, la bêche était indispensable. Le hoyau n’aurait pu servir d’instrument principal qu’à un vigneron.

Dans une des fables de La Fontaine, un philosophe scythe visite un sage agriculteur et le trouve qui,

la serpe à la main,
De ses arbres à fruit retranchoit l’inutile,
Ébranchoit, émondoit, ôtoit ceci, cela[1].

Ces mots sont toujours employés avec le plus rigoureux à-propos. Ébrancher est un terme très général qui signifie seulement ôter des branches, soit, comme ici, afin de soulager l’arbre, soit tout à fait au hasard, comme dans cet autre exemple :

Un jour dans son jardin il vit notre écolier,
Qui, grimpant sans égard sur un arbre fruitier,
Gâtoit jusqu’aux boutons, douce et frêle espérance,
Avant coureurs des biens que promet l’abondance :
Même il ébranchoit l’arbre........[2].

Émonder, au contraire, a un sens beaucoup plus restreint.

  1. Liv. XII, fab. xx, 8.
  2. Liv I., fab. v, 12.