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LA LANGUE DE RACINE

François (tome V, p. 249 ; comparez p. 257), et un Déluge d’Allemands (ibid., p. 263).

Ici, le verbe a deux compléments, l’un physique et l’autre abstrait, comme dans cette expression : Couronner ma tête et ma flamme. Là, il y a plusieurs sujets, et l’emploi tout naturel du premier sauve la hardiesse des suivants[1] :

… Tout dort, et l’armée, et les vents, et Neptune.
(Iphigénie, vers 9.)
ailleurs, il frappe par sa vive antithèse avec ce qui le précède :
Dans une longue enfance ils l’auroient fait vieillir.
(Britannicus, vers 190.)

Parmi les alliances de mots qu’on a crues mal à propos nouvelles chez Racine, nous nous bornerons à citer comme exemples de fausses attributions : cœur Gros de soupirs (Phèdre, vers 843) ; Commettre ses jours à quelqu’un (Bajazet, vers 1712). Ses commentateurs l’ont loué de les avoir imaginées : il suffit d’ouvrir, aux articles Gros et Commettre, notre Lexique de Corneille, pour voir que l’éloge n’est pas fondé.

Les grammairiens ont, aussi souvent que les critiques, allégué légèrement et à contre-sens l’autorité de Racine. Ils l’ont fréquemment invoquée à l’appui de règles grammaticales qui, de son temps, n’existaient pas encore où étaient du moins fort irrégulièrement observées. Pour prouver que « tout adverbe… est invariable avant un adjectif féminin qui commence par une voyelle », Girault Duvivier cite, dans sa Grammaire

  1. L’Iphigénie est de 1674. La Fontaine, qui publia en 1608 les six premiers livres de ses Fables, a dit dans la 3e du livre III Le loup devenu berger :
    Son chien dormoit aussi, comme aussi sa houlette.