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LA LANGUE DE RACINE

sement, dont l’Intimé se sert (vers 794) pour annoncer, le plus longuement possible, qu’il va parler brièvement, et qu’il a trompé quelques personnes par son étendue même : on s’est figuré assez souvent qu’au lieu de signifier en abrégé, ce mot voulait dire lentement, en détail. Dans la même pièce Encavé (vers 576), qui est ancien dans la langue, mais qui ne s’y employait guère qu’en parlant des futailles, est plaisamment appliqué aux personnes. Pour Embourser des coups (vers 158), expression fort originale, et dont on lui a parfois fait honneur, il n’a que le mérite de l’avoir bien placée ; mais il l’a prise à Rabelais. Dans une de ses lettres, il nous prévient, en badinant, qu’il forme le mot ensaboté, à l’imitation d’encapuchonné, qui a passé, dit-il. Il nous explique en ces termes le latin moratores aut palantes : « c’est ce que nous appelons traîneurs », ce qui prouve qu’on employait de son temps cette expression, à laquelle on a substitué traînards, et qu’il ne l’a point forgée. Mais les indications de ce genre n’abondent pas, et nous avouons humblement que nous ne savons à quoi nous en tenir sur emphasiste, interpositeur, judiciel, quolibetier, rhétoriquement et saturité, qu’on trouve dans sa correspondance ou dans les notes qu’il rédigeait pour son usage. Il emploie dans une lettre de 1698 écot pour convive ; a-t-il été le premier à s’en servir dans ce sens ? Il est plus que probable que Jansénien, que M. Littré marque d’une croix et qu’il appuie seulement de l’autorité de Voltaire, à laquelle il aurait pu ajouter celle d’une poésie de la première jeunesse de Racine[1], n’a pas été créé par lui. Il a dû, bien pu tout au moins, l’entendre à Port-Royal, ou le lire dans quelque ouvrage de controverse.

Il n’y a nul compte à tenir ici des fabrications techniques, tout occasionnelles, potéité et tabléité. Ils ne font

  1. Voyez au tome IV, p. 203, vers 24.