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LA LANGUE DE RACINE

donner au style un caractère de vérité historique, il faut dire qu’on trouve çà et là, mêlés à l’antique, quelques détails de langage qui troublent l’harmonie. On peut s’étonner qu’il n’ait pas remarqué et évité ces disparates. Dans sa lecture de la Traduction de Quinte-Curce par Vaugelas, il se montre choqué de ce qui, dans un sujet ancien, rappelle nos croyances, nos façons de parler modernes. À l’occasion des mots : « Bon Dieu ! » il fait la note suivante, fort juste assurément (tome VI, p. 357) : « Exclamation assez étrange en traduisant Q. Curce. » Mais cela ne l’empêche pas, dans ses Remarques sur l’Odyssée, de se servir lui-même d’expressions qui ne semblent pas mieux à leur place. En effet, il y parle de jeunes gens qui « vont au bal » (tome VI, p. 112), de la boutique de Vulcain (p. 134), de la frégate (p. 105) et des gens d’Ulysse (p. 145). C’est en plaisantant que, dans une lettre de 1661 (tome VI, p. 391), il parle de la miche dont Énée ferma la triple gueule de Cerbère ; mais c’est sérieusement qu’il est question de « pèlerins » dans les Remarques sur Pindare (tome VI, p. 14), et qu’il nous dit dans sa traduction de la Vie de Diogène (tome V, p. 511) que ce philosophe laissait aller ses enfants sans pourpoint. Dans un passage traduit du livre de Job (tome VI, p. 184) il parle de valet. Ailleurs, il résume en ces termes un morceau d’Horace : « Contre l’égalité des péchés » (tome VI, p. 328) ; ce mot ne se prêtait pas à la signification profane, comme le faisait alors celui de reliques, qui, lui aussi, n’est plus guère qu’un terme spécial, à peu près tout chrétien, mais que Racine a pu prendre encore au sens général de restes dans Bajazet (vers 873) et dans Phèdre (vers 1554).

Ce sont là des fautes de costume ou, comme on dit aujourd’hui, de couleur locale, non moins dignes de remarque, ce me semble, que l’anachronisme de langage relevé et blâmé dans Vaugelas. Leur excuse est