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LA LANGUE DE RACINE

ques[1], de signaler d’une façon générale cette tendance du style de son père ; notre Lexique en offre de nombreux exemples, qu’il serait trop long d’énumérer. Contentons-nous de rappeler : Admirer pour s’étonner ; Affecter pour ambitionner ; Affliger pour accabler ; Applaudissement, au singulier, pour approbation ; Celer pour cacher ; Commettre pour confier ; Conseil pour résolution ; Destiné ou fatal pour fixé, déterminé par le destin ; Domestiques pour appartenant à la maison ; Effusion, au propre ; Monstre pour action monstrueuse ; Neveu, Neveux pour descendant, postérité ; Superbe pour fier, orgueilleux, etc.


Parfois le latinisme est dans la construction des verbes, des participes : Divisé de pour séparé de ; Invoque sur ; Inspirer dans ; Monter pris activement, etc. ; voyez encore ci-après l’Introduction grammaticale, à l’article Verbes, Participes. Parfois la tournure entière, ou peu s’en faut, a passé du latin en français, avec la pensée qu’il s’agissait de rendre, comme :


Un roi victorieux vous a fait ce loisir (IV, 86, Poés. div., 35).
Suis-je, sans le savoir, la fable de l’armée ? (Iphigénie, vers 754).

façon de parler que nous rencontrons non pas seulement chez Horace et Ovide, mais aussi chez Corneille et chez Molière, et que, comme au reste plus d’une autre tirée du latin, Racine n’a pas été le premier à introduire en français. Nous ne parlons pas des latinismes tout techniques et scolastiques, qui consistent simplement dans l’emploi, en prose, d’un terme latin à peine francisé, tel, par exemple, que le mot disquisition.

À côté de ces emprunts faits à la langue latine qui, chez notre poète, contribuent, dans certains sujets, à

  1. Remarques sur les tragédies de Racine, tome I, fo 12 ro, édition de 1752.