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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

Les termes archaïques sont-ils mieux connus ? En aucune façon. Voltaire, cet esprit si net, si ouvert à tant de connaissances diverses, cet écrivain si judicieux et si fin, méconnaissait sur bien des points les nuances de sens propres au xviie siècle ; et, s’étonnant de la meilleure foi du monde de l’ignorance et de la rusticité de Corneille, à l’occasion de ce vers d’Œdipe[1] ;

Le sang a peu de droits dans le sexe imbécille.

Il s’écrie : « C’est une injure très déplacée et très grossière fort mal expriméeThéâtre de P. Corneille, avec des commentaires… — Genève, M.DCC.LXXIV, 8 vol. in-4o, t. V, page 26. » et semble oublier tout à fait qu’imbécile est employé ici dans le sens latin de faible, débile.

Si de tels écrivains, qui ont étudié avec tant de bonheur les secrets les plus délicats de notre langue, ne la trouvent pas tout entière à leur disposition, s’ils en méconnaissent certaines nuances un peu vieillies ou simplement passées de mode, que doit-il arriver aux hommes, même instruits et cultivés, qui ne s’occupent que par plaisir et par goût des questions littéraires ?


La seconde condition que nous avons considérée comme nécessaire pour bien posséder une langue, à savoir la connaissance exacte des divers rôles que les mots peuvent jouer dans le discours, est plus bornée, mieux circonscrite, et semble, par conséquent, assez facile à remplir. C’est l’objet même de la grammaire, que peu de gens savent, mais que du moins tout le monde étudie.

  1. Acte I, scène iii.