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LA LANGUE DE RACINE

Il éteint cet amour, source de tant de haine.
(Britannicus, vers 1487.)

… Sur le dos de la plaine liquide
S’élève à gros bouillons une montagne humide.

(Phèdre, vers 1513 et 1514)

Si maintenant, après avoir écarté les expressions communes à tous au xviie siècle, les rares archaïsmes, les affectations de la jeunesse, nous parcourons l’ensemble du vocabulaire de Racine, en laissant de côté, pour un instant, ses tragédies, nous serons surpris de la franche propriété de son langage.

Dans sa correspondance, dans ses notes, dans ses ouvrages historiques même, il s’est servi de plus d’un terme que les grammairiens ou les Dictionnaires qualifient de bas, et il emploie, sans le moindre scrupule, l’expression toute familière ; dans les Plaideurs, en particulier, mainte trivialité populaire du comique. Voyez au Lexique les articles suivants : faire en Aller ; Attraper ; Bête, pour simple, naïf, sot ; Chanter pour dire, parler ; Chicaner ; Crapule ; Crever de graisse ; se laisser Débaucher pour… ; coup de pied dans le Derrière ; ne pouvoir Digérer, au figuré ; se faire Échigner ; quelle Gueule ! en parlant d’un avocat ; Hupé, au figuré ; Jeunesse pour jeune fille ; faire à quelqu’un d’étranges Noces ; Papa ; Pisser ; Pot de chambre ; Raisonnable, c’est-à-dire « d’une certaine étendue » ; Souillonné ; Soûlé de pleurer ; Té, pour appeler un chien ; Tirez, pour « emmenez (les chiens) » ; Tempêter, au figuré ; etc. Aux mots de ce genre on peut joindre les tours, qui offrent de nombreux gallicismes, du style familier. Voyez au Lexique : cause en l’Air ; Aller, il y va de ; Avec tout cela ; trois Bons quarts d’heure ; Dire, il y a à dire ; s’en Donner ; ne pouvoir Durer, dans le fond ; Foin de moi ; Force huissiers ; De gaieté de cœur ; faire