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LA LANGUE DE RACINE

vers 558). Nous sommes porté, quant à nous, à trouver qu’il ne parle déjà que trop bien ce langage de convention, et nous comprenons le sentiment d’Hermione, lorsqu’elle répond à Oreste qui a comparé ses cruautés à celles des Scythes :

Quittez Seigneur, quittez ce funeste langage.
À des soins plus pressants la Grèce vous engage.
Que parlez-vous du Scythe et de mes cruautés ?
Songez à tous ces rois que vous représentez.

(Andr., vers 505–508).

Lorsqu’on a de la sorte mis à part les divers éléments qui n’appartiennent point en propre à la langue de l’auteur qu’on étudie, l’examen des tournures qu’il affectionne ou qui lui sont propres, des alliances de mots qu’il a créées, des habitudes de son style, est plus facile à essayer.

Cette élimination n’est toutefois point suffisante pour nous permettre de pénétrer, du premier coup, au cœur même du langage habituel et personnel du grand écrivain. On trouvera dans le Lexique bien des mots, curieux à beaucoup d’égards, mais qu’on ne croirait pas sortis de la plume de Racine. Ceux-là, pour la plupart, n’appartiennent point aux ouvrages qu’il a avoués et qu’il a publiés lui-même. Ils sont tirés de la correspondance de sa jeunesse, ou bien de ces notes curieuses et succinctes, resserrées, le plus ordinairement, dans les étroites limites des marges de ses livres, et dont le principal mérite est de nous présenter parfois le premier jet d’une expression qui, plus tard, prendra, dans un chef-d’œuvre tragique, sa forme définitive.

Bien des étrangetés de langue appartiennent aussi aux Poésies de la première époque, et notamment à la Promenade de Port-Royal des Champs, écrite tout entière dans un style trop surchargé, trop peu simple, mais qui n’est d’ailleurs dépourvu ni de sève, ni de vigueur.