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LA LANGUE DE RACINE

différentes qualités essentielles d’une personne, d’une profession : « toutes les parties d’un véritable académicien. » Pénétration s’employait rarement seul comme aujourd’hui ; il exigeait d’ordinaire un complément : « pénétration d’esprit » ; Pitoyable était usité dans son sens étymologique, pour « attendrissant, excitant la pitié » ; Plaisamment voulait dire « d’une façon qui plaît, d’une manière agréable » ; Poil, désignait la chevelure ou la barbe : « le poil hérissé, faire le poil. » Préoccupé signifiait, suivant son étymologie : « occupé d’avance » ; et un « cœur préoccupé » était, par conséquent, un cœur où la place était prise ; Prochain, qui ne se dit plus guère que du temps, s’employait alors très fréquemment en parlant de l’espace : « chambre prochaine, autel prochain » ; Singulier, singulièrement avaient le sens que nous donnons aujourd’hui à « particulier, particulièrement, principal, principalement » ; Soin voulait souvent dire « inquiétude, chagrin » ; Succès, succéder indiquaient surtout l’événement, l’issue bonne ou mauvaise d’une affaire, d’une entreprise ; Tourmenter, comme gêner, avait une énergie qu’il a un peu perdue maintenant.

Il faut mettre à part, outre les mots et les tours du commun usage, ceux qui, dès lors, étaient des archaïsmes : ils n’appartiennent pas non plus à l’auteur, à moins qu’il n’ait été les chercher plus ou moins loin dans le passé, et qu’il n’y ait là un renouvellement presque équivalent à une création. Mais tel n’est point le cas pour Racine. Il n’a jamais affectionné les expressions et les locutions vieillies. Celles qu’on rencontre en très petit nombre dans ses œuvres sont les derniers vestiges d’un usage qui s’éteignait ; mais on n’y saurait voir aucun désir prémédité d’innover en renouvelant.

Elles se trouvent presque toutes soit dans les poésies de jeunesse, soit dans les livres annotés, soit enfin dans