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DE L’ENSEIGNEMENT DE NOTRE LANGUE

Le plus grand écrivain ne peut connaître, dans leurs détails infinis, ces nombreux idiomes techniques, qui sont cependant de nature à lui être fort utiles à l’occasion ; et les dictionnaires ne sont presque d’aucun secours pour cette étude.

« On peut trouver… que l’Académie… — dit à ce sujet M. Villemain[1] — a trop épargné certains termes usités des artisans, et qui sont des images ou peuvent en fournir. Il y a là souvent une invention populaire, qui fait partie de la langue, et qui ne change pas, comme les dénominations imposées par les savants. Furetière avait raison de regretter le nom énergique d’orgueil, employé par les ouvriers pour désigner l’appui qui fait dresser la tête du levier, et que les savants appelaient du beau nom d’hypomoclion. Ces emprunts faits, pour un besoin matériel, à la langue morale, ces expressions intelligentes sont précieuses à recueillir, Shakespeare en est rempli dans sa langue poétique et populaire. »

Un de nos poètes, qui voulait étendre, au-delà du nécessaire, les limites déjà si reculées de notre langue, et qui, en faisant au latin et au grec des larcins trop fréquents, ne négligeait pas pour cela nos richesses nationales, Ronsard, s’exprime ainsi dans son Art poétique :

« Tu practiqueras bien souuent les artisans de tous mestiers comme de Marine, Vennerie, Fauconnerie, et principalement les artisans de feu, Orfeures, Fondeurs, Mareschaux, Minerailliers, et de là tireras maintes belles et viues comparaisons auecque les noms propres des mestiers pour enrichir ton œuure et le rendre plus aggreable et parfaict[2]. »

  1. Préface du Dictionnaire de l’Académie française, sixième édition, publiée en 1835, p. XX.
  2. Abbrégé de l’art poétique François. À Alphonce Delbene, abbé de Hautecombe, en Savoye. — Paris, G. Buon, 1565, in-4o, feuillet 4, verso.

    Dans toutes les citations de notre Cours historique de langue française nous reproduisons scrupuleusement l’orthographe, l’ac-