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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

relève des exemples analogues dans les poésies de Malherbe, appelle des rimes normandes ; elles n’étaient nullement motivées par la prononciation du temps ; car si dans certains mots tels qu’altier, entier, familier, régulier, séculier, e, comme nous l’apprend Chiflet[1], avait un son ouvert, il faut remarquer qu’on ne prononçait l’r final devant une consonne ou à la fin d’une phrase, ni dans les infinitifs en er, ni même dans ceux en ir[2] ; bien plus, on ne faisait pas sentir cette lettre à la fin d’un certain nombre de mots en ir et en oir, tels que plaisir, loisir, miroir, mouchoir, etc.[3].

Pour l’orthographe, Corneille a suivi, dans l’édition de 1682, un système particulier qui constitue un compromis très sage et très prudent entre les méthodes en usage à cette époque, et dont il fait connaître les principes essentiels dans sa préface. Il introduit dans les habitudes typographiques trois modifications importantes : d’abord il établit entre la petite s et la grande une différence qu’il expose en ces termes : « Je n’ay pu souffrir que ces trois mots : reste, tempeste, vous estes, fussent écrits l’un comme l’autre, ayant des prononciations si différentes. J’ay réservé la petite s pour celle où la syllabe est aspirée, la grande pour celle où elle est simplement allongée, et l’ay supprimée entièrement au troisième mot, où elle ne fait point de son, la marquant seulement par un accent sur la lettre qui précède. » La suppression de l’s dans les mots où elle ne se prononce pas a rendu inutile cette réforme ingénieuse ; mais l’emploi de l’è dans les mots excès, succès, procès, qui, comme nous l’apprend Corneille, avaient été jusqu’à lui écrits avec l’é aigu, comme les terminaisons Latines, quoy que le son en soit fort différent », est encore

  1. Page 201.
  2. Chiflet, pages 224, 225.
  3. Duez, page 22.