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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

tion, ne sont pas des forces diverses, mais seulement des façons variées de prononcer un même mot.

Quant aux imparfaits des verbes, Corneille les a fait souvent rimer avec des mots en oi, quoique de son temps déjà on les prononçât assez généralement comme aujourd’hui. Nous lisons dans un Discours nouveau sur la mode, publié en 1613 :

Il faut, quiconque veut estre mignon de court,
Gouverner son langage à la mode qui court
Qui ne prononce pas il diset, chouse, vendre,
Parest, contantemens, fût-il un Alexandre,
S’il hante quelquefois avec un courtisan,
Sans doute qu’on dira que c’est un païsan,
Et qui veut se servir du françois ordinaire,
Quand il voudra parler sera contraint se taire.

Le témoignage suivant de Chiflet, en 1668, explique et complète le passage que nous venons de rapporter : « Les estrangers ont tort de dire que cette prononciation est une nouveauté, car il y a plus de quarante ans que je l’ay veuë dans le commun usage. Il est vray qu’on luy a long-temps résisté, comme à une mollesse affectée de langage efféminé ; mais enfin elle a gagné le dessus[1] » Le même auteur reconnaît du reste, dans un autre endroit de son livre, que les deux prononciations avaient cours de son temps : « Il est plus doux et plus commun entre les biendisans de prononcer je parlais ; toutefois ce n’est pas une faute de dire je parlois, puis qu’à Paris, dans le barreau et dans les chaires de Prédicateurs, il y a beaucoup de langues éloquentes qui ne refuyent pas cette prononciation[2]. »

Il ne nous reste à parler que des infinitifs de la première conjugaison, tels que charmer, dissimuler, donner, que Corneille fait rimer avec air, clair, amer et autres mots du même genre. C’est là ce que Ménage, qui

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