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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

vent c’était un véritable adjectif verbal susceptible de genre et de nombre[1].

Le participe passé restait invariable dans des circonstances où il prendrait nécessairement aujourd’hui le genre et le nombre de son régime direct ; il entrait aussi dans des phrases très usitées à cette époque, mais dont la construction ne serait plus admise aujourd’hui[2].

  1. Participe présent employé adjectivement.

    Las ! mais ne voy-je pas s’acheminer vers moy
    La fille de Caton regorgeante d’esmoy ?

    (Garnier, Porcie, II, 266.)

    Ces ennemis publics dont vous l’avez vengée,
    Après vostre trépas à l’envy renaissans,
    Pilleroient sans frayeur les Peuples impuissans.

    (Corneille, Œdipe, I, i, 58.)
  2. Nos vieux poètes plaçaient souvent le régime entre l’auxiliaire avoir et le participe, et dans ce cas il y avait nécessairement accord ; Garnier a dit :
    César des vieux guerriers a la louange estainte.
    (Cornélie, IV, 270.)
    Toy qui dessous ton joug as l’Afrique rangée.
    (Porcie, II, 222.)
    Ils ont jà tant de fois nostre attente trompée.
    (Ibid., 533.)

    Corneille a soigneusement conservé cette tournure si vive ; elle revient à chaque instant dans ses œuvres.

    Va-t’en chercher Philandre, et dy-luy que Mélite
    A dedans ce billet sa passion décrite.

    (Mélite, II, v, 1.)
    J’avois de point en point l’entreprise tramée.
    (Clitandre, II, i, 33.)
    J’ay leur crédulité sous ces habits trompée.
    (Clitandre, II, ii, 23.)