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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

déclaration et un madrigal. Au milieu de tant de doutes, de questions, de remarques, de décisions, d’arrêts, la langue marchait si vite que les travaux d’érudition ne pouvaient la suivre. L’Académie fut obligée, avant de publier son Dictionnaire, d’en modifier entièrement les premières lettres, tant l’usage avait changé pendant qu’elle le rédigeait ; et Vaugelas récrivit plusieurs fois sa traduction de Quinte-Curce : nous ne la possédons, par malheur, que sous sa forme définitive, et l’on ignore le sort du manuscrit original, qui nous ferait connaître les scrupules et les préférences du savant grammairien.

Pressés de profiter de l’à-propos et des circonstances, les poètes dramatiques ne pouvaient ainsi revoir leurs écrits à loisir avant la publication ; mais ceux qui, comme Corneille, parcourent glorieusement une longue carrière, ont tout le temps de revenir sur leurs ouvrages de jeunesse et d’en faire disparaître les expressions hors d’usage. Il ne manqua point d’agir ainsi ; chaque édition nouvelle était pour lui une occasion de corrections et de retouches. Mais celle de 1660 est surtout remarquable à cet égard ; c’est là qu’il arrête à peu près définitivement son texte, et que, désormais fixé sur les règles de la poétique, il nous donne pour la première l’ois les admirables Examens où il critique ses propres œuvres avec tant de franchise, et les Discours où il discute les principes mêmes de l’art. Dans celui qui est consacré aux trois unités, il dit, en parlant de la nécessité de la liaison des scènes : « Ce qui n’étoit point une règle autrefois l’est devenu maintenant par l’assiduité de la pratique[1]. » Cette remarque s’appliquerait fort bien aux préceptes de la grammaire : la plupart des points en litige avaient été décidés, les genres commençaient à se fixer, les diverses parties du discours, mieux

  1. Tome I, p. 102.