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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

donner aux mêmes idées lorsqu’ils les ont abordées à leur tour.

Qui ne retrouverait dans ce dialogue la première idée du fameux qu’il mourût du vieil Horace :

C’est vergongne à un Roy de survivre vaincu :
Un bon cœur n’eust jamais son malheur survescu.
— Et qu’eussiez-vous peu faire ? — Un acte magnanime,
Qui malgré le destin m’eut acquis de l’estime.
Je fusse mort en Roy, fièrement combatant,
Maint barbare adversaire à mes pieds abatant.

(Les Iuiſues, IV, 33.)

Voici une confession de foi vive et hardie :

Le Dieu que nous servons est le seul Dieu du monde,
Qui de rien a basti le Ciel, la terre et l’onde ;
C’est luy seul qui commande, à la guerre, aux assaus ;
Il n’y a Dieu que luy, tous les autres sont faux.

(Les Iuiſues, acte iv, 115.)

Corneille a ainsi exprimé les premières idées contenues dans ce passage :

Je n’adore qu’un Dieu maistre de l’Univers,
Sous qui tremblent le ciel, la terre, et les enfers.

(III, 564. Pol. 1657 et 1658.)

Quant au dernier trait, il se trouve reproduit d’une manière sublime dans ce vers d’Athalie (II, 7) :

Lui seul est Dieu, Madame, et le vôtre n’est rien…

Si le vieux poète a été vaincu par ses successeurs, il faut reconnaître néanmoins qu’il a su exprimer de grandes pensées, dans un style simple et tout moderne. Toutefois chez lui, de telles rencontres sont rares. On trouve souvent dans ses pièces des pensées gracieuses, de fraîches peintures de la campagne, des paysages