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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

curieuses remarques d’Estienne et de Bouhours, un grand nombre d’expressions familières que Corneille n’a point négligées, telles que : être aux abois, donner dans l’aile, piper, piperie, et cent autres du même genre. Il en est quelques-unes, comme gens attitrés[1], dont la provenance est moins évidente, et qui doivent cependant être rapportées à la même origine. La fauconnerie fournit aussi un contingent considérable ; nous citerons seulement : leurre, débonnaire, entregent[2]

On comprend combien l’habitude de puiser à tant de sources diverses doit influer sur le caractère général des écrits de notre auteur, et surtout quelle variété de ton elle doit produire.

Si les observations que nous venons de faire n’ont pas été inutiles pour nous initier à un des procédés ordinaires du style de notre poète, elles ne sont pourtant pas de nature, il faut en convenir, à satisfaire notre plus vive et plus légitime curiosité.

Quand on étudie Corneille, on songe assez peu à la Galerie du Palais, à l’Illusion comique, voire même à l’Imitation : ce qu’on voudrait surprendre, c’est l’art qui a produit le Cid, Horace, Cinna, Polyeucte, et tant d’autres chefs-d’œuvre ; mais le génie, comme la nature, ne livre pas ses secrets.

Une source coule abondante et limpide, au pied des rochers, sous le feuillage ; ses vertus sont nombreuses et parfois presque opposées ; elle rend la force, la santé à ceux qui viennent s’abreuver de son eau ou y plonger leurs membres endoloris. Un chimiste survient, qui l’analyse avec la rigueur la plus scientifique : il en énumère les éléments, leur proportion et leur mélange, dit ce qu’elle contient au juste de soufre, de magnésie, de

  1. Voyez au tome I du Lexique, p. 88, la fin de l’article Attitré.
  2. Voyez au tome I du Lexique, p. 258 et p. 376, et au tome II, p. 50.