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DE LA LANGUE DE CORNEILLE


— Quand vous aurez choisi. — Que t’en semble. Florice ?
— Ceux-là sont assez beaux, mais de mauvais service ;
En moins de trois savons on ne les connoit plus.

(II, 23 et 24. Gal. du Pal. 109–115.)

La scène continue, assez froidement il faut le dire, sur ce ton facile qui, malgré la simplicité du sujet, charmait alors les gens de goût, habitués jusque-là à n’entendre au théâtre qu’un dialogue entièrement dénué de naturel et d’aisance.

On trouve ailleurs, dans la même pièce[1], un long éloge des toiles de soie, alors fort en vogue. Corneille ne manque guère de faire allusion de la sorte aux modes et aux inventions nouvelles ; c’est ainsi que, dans le Menteur, il s’égaye au sujet de la poudre de sympathie, qui devait être encore très peu connue en France[2].

Lorsque la muse de Corneille aborde les sujets religieux, elle prononce sans hésiter, comme des paroles accoutumées, les mots étranges, mais profondément significatifs de cet immense vocabulaire que la théologie a mis tant de siècles à constituer. Malgré cette exactitude, qui semblait impossible à la poésie, et où elle trouve pourtant si bien son compte. Corneille regrette d’être obligé de renoncer à certaines expressions consacrées. Il s’en plaint en ces termes dans une des préfaces de l’Imitation de Jésus-Christ[3] : « Il s’y rencontre… des mots si farouches pour mes vers, que j’ay été contraint d’avoir souvent recours à d’autres, qui n’y répondent qu’imparfaitement. »

On est surpris qu’il ait pu encore en apprivoiser autant ; il fait entrer dans ses vers les espèces visibles, l’espèce du vin et du pain, la fraction du pain, le reniement de saint Pierre, la dilection, l’anéantissement de

  1. Tome II, p. 21, vers 78 et suivants.
  2. Voyez tome IV, p. 204, note 1.
  3. Tome VIII, p. 10.