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DE LA LANGUE DE CORNEILLE

mes[1] ; par bonheur, Turenne, moins difficile, entendant Sertorius parler de l’assiette du camp, et employer longtemps ce langage avec autant de noblesse que de précision, s’écriait tout étonné : « Où donc Corneille a-t-il appris « les termes de l’art de la guerre ?[2] »

Il les avait appris de diverses manières, par la lecture, par l’étude de l’histoire, plus encore sans doute par la conversation. Ceux qui avaient été à la guerre, ceux surtout qui voulaient passer pour y avoir été, accumulaient à plaisir les mots techniques. Nous avons insisté, dans la Notice du Menteur[3], sur ce travers, très commun, paraît-il, en ce temps-là, et sur la façon dont Corneille s’en est moqué.

  1. Voyez, au tome II du Lexique, l’Appendice, p. 460, et à la page 496. la réponse de l’Académie à cette critique de Scudéry.
  2. Voyez la Notice de Sertorius, au tome VI, p. 354.
  3. Voyez tome IV, p. 120–122. — On peut ajouter aux rapprochements que nous avons faits en cet endroit ces vers de Joachim du Bellay :

    Ce sont beaux mots que brauade,
    Soldat, cargue, camyzade,
    Auec vng braue san-dieu
    C’est pour faire vng Demi-dieu.

    (Discours sur la louange de la vertu, à Salmon Macrisi, tome II, p. 40 de mon édition) ; et ce passage de la Muse historique, où Loret nous peint les bourgeois de la Fronde de retour chez eux après un combat :

    Ensuite, étant dans leurs familles,
    Avec leurs femmes et leurs filles,
    Ils ne disoient parmi les pots
    Que mots de guerre à tous propos :
    Bombarde, canon, coulevrine,
    Demy-lune, rampart, courtine,
    Poste, terre-plein, bastion,
    Lignes, circonvallation.
    Mon tire-bourre, mon écharpe,
    Le parapet, la contrescarpe,
    Et a’autres tels mots triomphants
    Qui faisoient peur à leurs enfants

    (Tome I, p. 243, édition de M. Ravenel.)