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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

Penses tu estre seul en la France sçauant
Pour torger de grands mots, et les enfler de vent,
Larges de demi-pieds ?…

Colletet fils avait ajouté à la Vie de Du Bartas, de Guillaume Colletet, détruite dans l’incendie de la Bibliothèque du Louvre, une note curieuse heureusement transcrite par Sainte-Beuve (Tableau de la poésie française, éd. Troubat, II, 218). Elle nous montre Ronsard, au jeu de paume de l’Aigle, dans le faubourg Saint-Marcel, « bien qu’engagé dans un jeu d’importance », quittant tout pour parcourir la Semaine de Du Bartas, et s’écriant, après en avoir lu quelques vers : « Oh ! que n’ai-je fait ce poëme ! il est temps que Ronsard descende du Parnasse et cède la place à Du Bartas, que le Ciel a fait naître un si grand poëte. »

Bien que Du Bartas n’ait pas manqué de célébrer, comme il le devait, dans sa Seconde Sepmaine (Babylone, p. 485) :

… Ce grand Ronsard qui, pour orner la France,
Le Grec et le Latin despouille d’eloquence.
Et d’vn esprit hardi manie heureusement
Toute sorte de vers, de style et d argument,

l’enthousiasme du maître dura peu, comme le prouve le sonnet À Jean D’Aurat son Précepteur, qui commence ainsi (VI, 264) :

Ils ont menty, D’Aurat, ceux qui le veulent dire,
Que Ronsard, dont la Muse a contenté les Rois,
Soit moins que le Bartas et qu’il ait par sa voix
Rendu ce tesmoignage ennemy de sa Lyre[1].

À la suite de ce sonnet, dont Colletet possédait l’autographe, vient le sixain suivant :

  1. Voyez aussi VI, 415.