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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE
se préoccupant nullement du qu’en dira-t-on, il arrive pour l’orthographe au phonétisme, et pour la prosodie aux vers mesurés.

Quant à Ronsard, il a eu au cours de sa carrière poétique bien des hésitations et des doutes. Plein d’enthousiasme au début, il aspirait surtout au genre héroïque. C’est son portrait que trace Du Bellay dans le chapitre Du long Poëme Françoys (I, 41), lorsqu’il évoque ce poète idéal « doué d’vne excellente félicité de Nature, instruict de tous bons Ars et Sciences,… versé en tous genres de bons Aucteurs Grecz et Latins, non ignorant des parties et offices de la vie humaine, non de trop haulte condition, ou appelle au regime publiq’, non aussi abiect et pauure, non troublé d’afaires domestiques : mais en repoz et tranquilité d’esprit ». Pasquier a constaté en ces termes son éclatant succès dans le curieux chapitre des Recherches (Vil, 6, col. 705) intitulé : De la grande flotte de Poëtes que produisit le Regne du Roy Henry deuxiesme, et de la nouvelle forme de Poësie par eux introduite : « Quand aux Hymnes, et Poëmes Héroïques, tel qu’est la Franciade, nous les devons seuls et pour le tout à Ronsard. »

Au moment où il allait réaliser ses projets, la mort inopinée de Charles IX vint les mettre à néant. Il nous l’apprend lui-même dans le quatrain mélancalique placé à la fin du quatrième livre (III, 176) :

Si le Roy Charles eust vescu,
J’eusse acheué ce long ouurage :
Si tost que la Mort l’eut veincu,
Sa mort me veinquit le courage.

En outre, d’autres poètes s’étaient formés à son école et il n’était plus investi de la souveraineté de la poésie épique. La Baronie le lui déclarait en ces termes dans sa Seconde response :