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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

ter la richesse de son vocabulaire aux efforts de Ronsard : « Il la para, dit-il (éd. Lalanne, t. III, 287), de graves et hautes sentences, luy donnant des motz nouveaux ; et la rabilla des vieux bien réparez et renouvellez, comme faict un fripier d’une vieille robe. »

Si nombreuses que soient les assertions des poètes de la Pléïade à l’égard des procédés, nous pourrions dire des recettes, employées par eux pour renouveler la langue, si laudatifs que puissent nous paraître les jugements contemporains, nous ne devons point les admettre sans contrôle, comme on l’a fait trop longtemps, et considérer ces écrivains, d’après leur dire, comme ayant un beau matin créé le français moderne.

D’abord, un grand nombre de mots attribués aux poètes de la Pléïade, leur ont été fournis, comme nous l’avons vu, par des écrivains antérieurs, et quelques-uns, malgré leur apparente nouveauté, remontent aux origines mêmes de notre langue.

Ensuite en lisant avec attention La Deffence et illustration de la langue françoyse de Du Bellay, certaines préfaces de Ronsard, son Art poëtique et quelques écrits de ses admirateurs, on constate, non sans surprise, que les poètes de la nouvelle école, tout en cherchant à établir l’originalité de leur tentative, ne laissent pas de nous signaler, fort discrètement il est vrai, un nombre inattendu de précurseurs.


« De tous les anciens Poëtes Françoys, dit Du Bellay (I, 33), quasi vn seul, Guillaume du Lauris, et Ian de Meun, sont dignes d’estre leuz, non tant pour ce qu’il y ait en eux beaucoup de choses, qui se doyuent immiter des Modernes, comme pour y voir quazi comme vne première Imaige de la Langue Françoyse, vénérable pour son antiquité. »


À cet hommage de pure forme, en succède un autre