Page:Marty-Laveaux - Études de langue française, 1901.djvu/107

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

revient sur ce sujet dans le chapitre de son Art poëtique, intitulé : Des Moz e de l’eleccion e innouacion d’iceus, est encore moins clair, et parle obscurément à dessein « creignant de trop decouurir l’Art » (p. 37). Dans son Art poëtique (VI, 462) Ronsard nous en dit un peu plus : « Tu ne desdaigneras les vieux mots François, d’autant que ie les estime tousiours en vigueur, quoy qu’on die, iusques à ce qu’ils ayent fait renaistre en leur place, comme vne vieille souche, vn reietton, et lors tu te seruiras du reietton et non de la souche laquelle fait aller toute sa substance à son petit enfant, pour le faire croistre et finalement l’establir en son lieu. De tous vocables quels qu’ils soyent en vsage ou hors d’vsage, s’il reste encores quelque partie d’eux, soit en nom, verbe, aduerbe, ou participe, tu le pourras par bonne et certaine Analogie faire croistre et multiplier, d’autant que nostre langue est encores pauure, et qu’il faut mettre peine quoy que murmure le peuple, auec toute modestie, de l’enrichir et cultiuer. » Plus tard, dans la Préface de la Franciade (III, 533), revient sur ce procédé auquel il donne le nom pittoresque de prouignement : « Si les vieux mots abolis par l’vsage ont laissé quelque reietton, comme les branches des arbres couppez se raieunissent de nouueaux drageons tu le pourras prouigner, amender et cultiuer, afin qu’il se repeuple de nouueau. »

Enfin Du Bartas, qui approuve cette pratique, la présente, par une autre métaphore, non comme un provignement mais comme une greffe (2e Sepmaine, Babylone, p. 477) :

Vn bel esprit, conduit d’heur ei de iugement,
Peut donner passe-port aux mots qui treschement
Sortent de sa boutique, adopter les estranges,
Enter les sauuageons…

Dans une pièce enjouée des Ieux rustiques, adressée