Page:Marty-Laveaux - Études de langue française, 1901.djvu/105

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
97
LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

nostre France, quand ceux de ta nation ne seront assez propres ne signifians, ne se faut soucier s’ils sont Gascons, Poiteuins, Normans, Manceaux, Lionnois ou d’autre pays, pourueu qu’ils soyent bons, et que proprement ils expriment ce que tu veux dire. »

Il revient encore sur la même idée dans la Préface sur la Franciade (III, 533) : « Outre ie t’adverli de ne faire conscience de remettre en vsage les antiques vocables, et principalement ceux du langage Vvallon et Picard, lequel nous reste par tant de siècles l’exemple naïf de la langue Françoise, i’enten de celle qui eut cours apres que la Latine n’eut plus d’vsage en nostre Gaule, et choisir les mots les plus pregnants et significatifs, non seulement dudit langage, mais de toutes les Prouinces de France, pour seruir à la Poësie lors que tu en auras besoin. »

Nous le verrons même, sur la fin de sa vie, préconiser presque exclusivement ce procédé d’enrichissement de notre langue, qui n’était au début qu’un des nombreux expédients auxquels il avait recours.

Quant à l’emploi des termes de notre vieux langage, il est déjà conseillé par Du Bellay dans sa Deffence de la langue francoyse (I, 45) ; il recommande d’usurper « et quasi comme enchasser ainsi qu’vne Pierre precieuse et rare, quelques motz antiques », assurant qu’ils donneront « une grande maiesté tant au vers, comme à la Prose : ainsi que font les Reliques des Sainctz aux Croix, et autres sacrez loyaux dédiez aux Temples. Pour ce faire te faudroit voir tous ces vieux Romans et Poëtes Françoys. »

Un des mérites des poètes de la Pléïade est de ne s’être point confinés dans un vocabulaire de convention, mais d’y avoir introduit un reflet de la vie réelle : « Encores te veux-ie aduertir, dit Du Bellay (I, 54), de hanter quelquesfois, non seulement les Scauants, mais aussi