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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

jamais s’y incorporer tout à fait, et conserver presque indéfiniment leur apparence de nouveaux venus ?

Si les emprunts faits au grec et au latin étaient un des principaux moyens employés par les poètes de la Pléïade pour enrichir notre langue, ce n’était certes pas le seul. La littérature italienne leur offrait des ressources auxquelles on n’avait alors que trop souvent recours, comme nous le voyons par les Dialogues du langage italianisé d’Henri Estienne. Ils ne se laissèrent pas aller aux excès que signale ce dernier. Nous aurons seulement à relever quelques termes locaux employés par Du Bellay pendant son séjour en Italie, et un petit nombre d’expressions poétiques puisées par Ronsard dans le vocabulaire de Pétrarque.

Beaucoup plus nombreux sont les termes tirés du langage des diverses provinces de France. Dans la première édition de ses Odes, en 1550, Ronsard s’était servi en plusieurs endroits des mots familiers à son enfance, ce qui avait soulevé de nombreuses critiques. Dans un Surauertissement ajouté au volume (I, cxvi), il y répond en ces termes : « Depuis l’acheuement de mon liure, Lecteur, i’ai entendu que nos consciencieus poëtes ont trouué mauuais de quoi ie parle (comme ils disent) mon Vandomois… Tant s’en faut que ie refuze les vocables Picards, Angeuins, Tourangeaus, Mansseaus, lors qu’ils expriment vn mot qui delant en nostre François, que si i’auoi parlé le naïf dialecte de Vandomois, ie ne m’estimeroi bani pour cela d’eloquence des Muses, imitateur de tous les poëtes Grecs, qui ont ordinairement écrit en leurs liures le propre langage de leurs nations, mais par sur tous Theocrit qui se vante n’auoir iamais attiré vne Muse étrangere en son païs. »

Ronsard a toujours défendu la même opinion ; il dit dans son Abrégé de l’Art poëtique françoys (VI, 451) : « Tu sçauras dextrement choisir et approprier à ton œuure les vocables plus significatifs des dialectes de