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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE
et Muret fait à ce sujet la remarque suivante : « Sympathie est un mot grec : mais il est force d’en vser, veu que nous n’en auons point d’autre. »

Il faut remarquer toutefois que Rabelais a dit dans le quart livre publié pour la première fois en 1548 (II, 493) : « par naturelle Sympathie excita tous ses compaignons à pareillement baisler », et que dans la Briesue declaration d’aucunes dictions plus obscures contenues en quatriesme liure,… il a jugé utile d’expliquer ce mot, dont il se considérait probablement comme le créateur, et qu’il avait du reste déjà employé dès 1546 dans son tiers livre (c. iv) : « Quelle Sympathie entre les elemens. »

En 1572, on lit dans La Franciade (liv. II) :

Incontinent que la soif fut esteinte
Et de la fin l’auidité restreinte,

et ces vers sont accompagnés de la remarque suivante : « Auidité, l’ardeur de manger. Ie ne sçache point de mot françois plus propre, encore qu’il soit mendié du latin. » On s’est cru fondé, probablement d’après cette note, à regarder Ronsard comme l’auteur de cette expression, qu’on trouve déjà cependant en 1544 dans la Délie de Maurice Scève (Dixain, cxvi) :
Ne peult saouler si grand’ auidité.

Le plus curieux c’est que Ronsard a ainsi modifié les deux vers (III, 67) :

Incontinent que la soif fut ostée
Et de la faim la fureur surmontée.

Il est probable qu’il a voulu faire disparaître ce mot dont on lui avait reproché l’étrangeté. Malgré son intransigeance affectée, il fit plus d’une fois au goût du public des concessions de ce genre.