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LA LANGUE DE LA PLÉÏADE

d’innouer quelques termes… auecques modestie toutesfois, Analogie, et Iugement de l’Oreille. »

Ces vers de Ronsard (II, 126) :

Si dez mon enfance
Le premier de France
I’ay pindarizé
De telle entreprise
Heureusement prise
Ie me voy prisé.

avaient fait croire que pindarisant le premier, il avait inventé ce verbe et créé, comme pour Ode, le mot et la chose. Gandar, après avoir, dans sa thèse[1], adopté cette opinion, encore assez généralement répandue aujourd’hui, introduit, dans son errata, cette sage rectification : « L’auteur regrette d’avoir attribué à Ronsard un mot que Rabelais a mis dans la bouche de l’écolier limousin une vingtaine d’années avant que Ronsard ne pindarisât. » Voici le passage de Pantagruel qui date de 1533 (I, 242) : « Ce gallant veult contrefaire la langue des Parisians, mais il ne faict que escorcher le latin et cuide ainsi Pindariser[2]. »

Sympathie est-il de Ronsard ? Le poète s’est exprimé ainsi dans le premier livre des Amours, publié en 1552 (I, 97) :

Les Cieux…
Changeans de teint de grâce et de couleur,
Par Sympathie en deuindrent malades ;

  1. Ronsard considéré comme imitateur d’Homère et de Pindare — Metz, imp. F. Blanc. 1854. In-8o.
  2. Un commentateur du poète, Pantaléon Thevenin, qui se sert de ce verbe, en rapproche horaciser, dont il en probablement le créateur. Il dit en parlant de Ronsard (L’Hymne de la Philosophie, 1582, IV, p. 119) : « Les Odes où il a si hardiment pindarisé et (s’il faut ainsi parler) horacisé. » Quant à Petrarquizer, il était fort employé. En 1553, Du Bellay dit (II, 333) :

    I’ay oublié l’art de Petrarquizer.

    En 1555, Ronsard se moque de ces amants (VI, 368)

    … qui morfondus petrarquisent.