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La manière violente dont on a essayé d’imposer la nouvelle mesure l’a rendue encore plus odieuse au peuple. Tout esprit équitable admettra qu’en fait de religion il faut accorder à la conscience des fidèles pleine liberté d’action. Le gouvernement russe devrait être le premier à partager cet avis, une longue expérience lui ayant appris, par l’exemple des starovères ou vieux-croyants de sa propre Église, que la persécution religieuse produit des résultats diamétralement opposés à ceux qu’on veut obtenir. Aussi n’a-t-il pas tardé à reculer devant les mesures de violence. Il a mis plus d’une entrave à la réalisation de son décret ; mais ces entraves mêmes montrent les dangers que courrait la liberté légale de la part des autorités subalternes, lorsqu’elles voudraient témoigner du zèle pour les intérêts de l’État. En effet, il y eut des excès déplorables, grâce aux russificateurs à outrance qui trouvèrent le moyen d’interpréter la volonté de l’Empereur à leur manière. L’intérêt personnel leur dictait d’en tirer tout le profit possible et ils se mirent à faire du zèle, en se répandant dans toutes les parties de la Lithuanie dans le but d’organiser une croisade de pétitions en faveur de l’introduction de la langue russe. Nous renvoyons pour les détails de cet apostolat d’un nouveau genre au livre tant de fois cité sur les Persécutions en Lithuanie ; le lecteur pourra s’y édifier aussi sur le triste rôle qu’ont joué dans cette œuvre des ténèbres quelques prêtres infidèles, comme il s’en rencontre toujours aux époques troublées de la société. Nous lui recommanderons aussi les pages écrites par Schédo-Ferroti dans son livre : Que fera-t-on de la Pologne ? où il fait ressortir avec beaucoup de justice le caractère odieux de la mesure qui nous occupe. (V. surtout les pages 201-207 de la seconde édition de Berlin et Bruxelles, 1865.)

Mais ce qui rend surtout cette mesure antipathique aux populations ce sont les dangers dont elle menace leur foi et les conséquences fatales qui s’ensuivraient infailliblement.

Les promoteurs de la russification du culte assurent que ces dangers sont imaginaires, que « personne ne songe à porter atteinte à la religion catholique, puisque les lois fondamentales de l’Empire la tolèrent, qu’on n’en veut ni au dogme ni a la foi ; on veut seulement en séparer la langue, ces deux éléments étant parfaitement séparables ».