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les Ruthènes catholiques. Pour qui donc introduire la langue russe dans l’Eglise latine ?

Au surplus, les populations indigènes, telles que Lithuaniens, Lettes, Samogitiens, Ruthènes, se sont tellement familiarisées avec le polonais (qu’elles entendent parler depuis des siècles) qu’en faisant usage de leurs propres idiomes, l’Eglise agit sous l’inspiration de la charité maternelle plutôt que par nécessité. Les vrais fidèles parmi ces peuples aimaient cent fois mieux se servir dans le culte supplémentaire du polonais que du russe et garder le statu quo ; la raison en est bien simple : la langue polonaise est comprise de tout Lithuanien ou Ruthène, tandis qu’on ne peut pas en dire autant du russe. Assurément, ce ne sont ni les Lithuaniens, ni les Samogitiens, ni les Lettes qui le comprendront. Voilà pourquoi les masses populaires témoignent tant d’aversion pour la nouvelle mesure[1].

Leur imposer maintenant la langue officielle en proscrivant les idiomes indigènes ce serait une injustice criante. Comment ! les ecclésiastiques seraient obligés de prêcher, d’enseigner le catéchisme dans une langue qu’ils n’ont jamais eu l’occasion d’apprendre suffisamment, dans laquelle personne ne songeait à enseigner la religion catholique ! En outre, que de prêtres âgés qui n’ont jamais songé à apprendre le russe, et qu’on ne fera point parler russe en leur interdisant usage du polonais. Les obligera-t-on aussi à étudier une langue qui leur est étrangère et à s’en servir en chaire ? C’est les condamner à fouiller les entrailles de la terre pour en extraire quelques parcelles de métal.

Ajoutez à tout cela que l’usage du russe dans l’Eglise ayant été interdit par un oukaze de l’empereur Nicolas, il est tout naturel que le clergé catholique en ait négligé l’étude ; rien ne paraît plus étrange que le reproche qu’on lui adresse de montrer peu d’empressement à faire aujourd’hui ce qu’on lui défendait hier. Le caractère contradictoire et arbitraire de ces deux mesures du gouvernement indique assez que la langue russe n’est ici qu’un instrument propre à servir ses intérêts temporels et que le bien des âmes est le moindre de ses soucis.

  1. Persécutions de l’Église en Lithuanie, p. 101