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seulement dans les provinces de l’ouest, mais encore et surtout dans le royaume de Pologne, où ces deux éléments sont unis de la façon la plus intime ? Cependant on ne le fait pas, et l’on préfère russifier les Lithuaniens, les Esthoniens, sans en exempter les juifs.

Viciée dans son principe et inefficace, cette mesure est encore antipathique aux populations, d’abord à cause du caractère étranger de la langue qu’on veut introduire dans l’Église et ensuite à cause de la manière dont on a voulu la faire accepter.

La langue officielle date du XVIIIe siècle. Depuis ce temps, il faut l’avouer, elle a pris de grands développements, elle s’est polie et enrichie considérablement : toutefois, quelque rapides qu’on suppose ses progrès, quelque cultivée qu’elle puisse être aujourd’hui, jamais elle n’a servi à aucun culte religieux. Les « orthodoxes » eux-mêmes s’en passent fort bien dans les offices divins ; ils ne possèdent pas même de Bible entière traduite en cette langue, et peut-être M. Bezsonov, philologue de profession, n’avait-il pas tout à fait tort de dire qu’on serait embarrassé d’y trouver les termes nécessaires pour rendre la terminologie de la doctrine catholique.

D’un autre côté, l’Eglise catholique ayant été reconnue comme dominante dans l’ancien royaume de Pologne, la sainte messe s’y célébrait toujours en latin ; quant au culte accessoire, on se servait de préférence du polonais sans exclure ni le lithuanien et le lette, ni le ruthénien.

En outre, puisque, dans l’Empire de Russie, qui a étendu sa domination sur le territoire du duché de Varsovie, de la Lithuanie et des principautés russiennes, il existe une loi qui défend sous les peines les plus sévères d’embrasser la foi catholique, l’Eglise n’avait que faire de la langue officielle de l’Empire, devenue le symbole de la soit-disant orthodoxie. Elle comptait bien au nombre de ses enfants des Ruthènes de l’un et de l’autre rite, mais elle leur parlait leur langue maternelle, dans laquelle ils faisaient la confession, apprenaient la doctrine chrétienne, entendaient la parole de Dieu. Elle s’en sert encore aujourd’hui dans le commerce religieux avec ceux des Ruthènes qui ont persévéré dans la foi et elle s’en trouve bien. Aucun Russe orthodoxe n’est venu ni ne viendra se joindre au petit troupeau que forment