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toute tentative de russifier le pays au moyen des masses populaires, s’il ne veut pas semer la division entre elles et les classes supérieures[1]. Le lecteur peut juger par là si la même tentative a la chance de trouver un meilleur accueil auprès des populations polonaise et lithuanienne des provinces occidentales.

Mais, indépendamment de tout intérêt national ou religieux et à ne considérer la question qu’au point de vue scientifique, est-il vraiment désirable que l’écriture latine soit évincée par l’alphabet russe ? Ne serait-il pas temps, au contraire, d’adopter pour celui-ci une transcription en lettres latines, parfaitement capables de rendre toutes les nuances de la phonétique slave ? On écrit bien en caractères latins le sanscrit, le chinois et n’importe quelle autre langue ; pourquoi n’écrirait-on pas de même le russe ? d’autant plus qu’il existe déjà un mode de transcription très rationnelle du tchèque et de l’illyrien et que les peuples slaves les plus avances dans la civilisation se servent de l’écriture latine. Quant à ceux qui voudraient faire accepter aux peuples slaves le russe comme langue littéraire commune, ils se bercent de vaines espérances.

Que si une pareille tentative n’a aucune chance de succès au point de vue de la science, à quel résultat peut-elle s’attendre en se présentant au nom de la religion, comme messagère de la propagande hétérodoxe ? Pour ma part, je suis convaincu que le nouveau rituel qu’on veut substituer à l’ancien dans les provinces de l’ouest ne fera que rendre plus tenace rattachement des populations catholiques à leurs habitudes religieuses ayant la double consécration du temps et de l’Eglise. Ce n’est pas le moindre défaut du livre et ce n’est pas non plus le seul qu’on puisse lui reprocher : ainsi, on y remarque certaines omissions qu’on a quelque droit de croire préméditées. Parmi les bénédictions, on chercherait en vain celle du scapulaire, pour ne citer que ce seul exemple auquel auraient pu être ajoutées bien d’autres divergences de la traduction avec l’original[2].

  1. Les Marches de la Russie (Okraïny Rossii), par M. G. Samarine, t. IV, p. 229.
  2. L’auteur des Persécutions en Lithuanie dit que le traducteur a supprimé les bénédictions des scapulaires et des rosaires (p. 120). Il est possible qu’elles le fussent dans la première édition du Rituel, faite en 1869, et dont parle l’auteur anonyme : quant à la seconde édition de 1870, la bénédiction du rosaire s’y trouve certainement (p. 361).