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accepter des exemplaires ou les mettre entre les mains de leurs élèves[1].

Mais le livre qui a produit le plus de sensation c’est le nouveau Rituel, publié la même année 1869 à Vilno[2]. Il y a cela de particulier que le texte polonais en est complètement banni et remplacé par le russe ; quant au texte lithuanien et lette, on l’a transcrit en caractères russes ; l’écriture latine a été réservée au français et à l’allemand, en attendant qu’on leur applique le système de transcription en lettres russes. J’insiste à dessein sur ce point ; car il existe en Russie un parti qui attache à ce système une très grande importance. On espère par ce moyen faciliter aux masses populaires l’apprentissage de la langue officielle qu’elles s’obstinent à ignorer, ayant assez de leur langue maternelle.

M. Georges Samarine estime la chose tellement importante qu’il engage le gouvernement à s’en occuper sérieusement sans épargner ni peines ni argent[3]. L’objet principal de ses sollicitudes sont les Lettes et les Esthoniens des provinces baltiques, et le zèle qu’il déploie pour leur russification semble s’enflammer en raison de la froideur que témoignent a cet égard ces populations. Rien ne fait mieux connaître leurs dispositions que le passage suivant du rapport officiel fait par le gouverneur général, M. Albedinski, et cité par M. Samarine lui-même. « La sympathie des Lettes[4] et des Esthoniens pour la Russie, sympathie toujours douteuse, va en diminuant à mesure que l’instruction augmente parmi eux. La masse des Lettes orthodoxes incline de plus en plus vers le luthéranisme et se défie de tout ce qui est russe, plus que ne le fait la portion luthérienne de la population. Cette défiance se fait sentir surtout là où les luthériens se montrent sympathiques aux tendances russes. » En terminant son rapport, le général Albedinski engage le gouvernement à renoncer à

  1. Persécutions en Lithuanie, p. 119.
  2. En voici le titre complet : Rituale sacramentorum ac aliarum Ecclesiæ Romano-Catholicæ cœremoniarum. Ex rituali synodi provincialis Petricoviensis depromptum. Je cite d’après la 2e édit. de 1870, augmentée et corrigée.
  3. Les Marches de la Russie, t. IV,p. 228.
  4. Vers 1845, les paysans lettes, au nombre de 30 000, ont été attirés à l’Eglise dominante, grâce aux promesses qui leur avaient été faites, mais qu’on n’a pas tenues. Aussi redemandent-ils à cor et à cri de redevenir luthériens.