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place, on ne voit que des Grands-Russiens. Que sont-elles devenues ? La réponse, la voici : elles se mêlèrent avec l’élément russe, elles s’y fondirent, elles se sont russifiées. Ainsi s’explique la formation du peuple grand-russien, qui, au XIIe siècle, existait à peine, puisque la plus ancienne chronique indigène (attribuée à Nestor) ne le connaissait point, et qui compte aujourd’hui environ 40 millions d’âmes.

Voilà ce qui est acquis à la science moderne et enseigné par les Russes eux-mêmes. En conclura-t-on, encore une fois, que les Grands-Russiens ne sont point de la famille slave ?

« Pour être croisés de Finnois et de Tatares, répond excellemment M. Leroy-Beaulieu (Revue des Deux Mondes, 15 septembre 1873), les Grands-Russiens ne sont devenus ni l’un ni l’autre, et de ce qu’ils ne sont point de pure race indo-européenne, il ne suit pas que ce soient des Touraniens. La langue et l’éducation historique ne sont pas les seuls titres au nom de Slave. Le Grand-Russien n’est pas seulement slave par les traditions, par l’âme ; il l’est encore par filiation directe, par le corps, par le sang. Une part notable du sang de ses veines est slavonne et caucasique. La proportion est impossible à déterminer. La Grande-Russie ne fut pas soumise par les Slaves de Kiev et de Novgorod à main armée ; ce fut une longue et lente colonisation, comme une infiltration sourde et séculaire des Slaves, qui a cela de remarquable qu’elle a presque échappé aux annalistes et que l’histoire en devine le début sans en pouvoir fixer les phases[1]. »

Le grand fait de la colonisation de la Russie centrale nous fournit encore une autre conclusion. Pourquoi l’élément finnois s’est-il fondu dans l’élément slave, sinon parce qu’il lui était inférieur sous le rapport de la civilisation, quelque peu avancée

  1. La formation du peuple grand-russien est un des problèmes les plus importants de l’histoire russe. Un ouvrage complet sur cette riche matière est encore à faire, mais il existe d’excellentes monographies, qu’on peut consulter avec profit. Nous indiquerons en premier lieu les travaux de MM. Léchevski et Kavéline, publiés dans le Messager de l’Europe (mars et juin 1866). les ouvrages de M. Thirsov, Populations indigènes dans la partie nord-est de la Moscovie (Kazan, 1866), de M. Korsakov : Méras et la principauté de Rostov ; L’Histoire de la principauté de Riazan, par M. Ilovaïski, et Les Histoires générales de Russie, par Soloviev, Bestoujev-Rumine, etc.